block note - vroum la suite a six minutes
mardi 16 décembre 2025, par
Je sors et j’entends éructer et souffler le camion qui livre la crêperie, c’est un son de diesel ou de moteur à essence, bientôt, peut-être, ce son disparaîtra deux fois, une fois dans ma rue, comme il vient de le faire à l’instant, et une autre fois à une échelle temporelle plus large, en tant que témoin d’une époque révolue remplacée par des sons de moteurs hybrides ou électriques. Les sons qu’entendait VW où sont-ils, beaucoup n’ont pas fait leurs adieux, ils ont cessé d’émettre sans le dire, charrettes, je ne retrouve pas la marque de la voiture qu’elle s’est achetée avec les droits de To the Lighthouse. Et est-ce que les sons des bombardements sont les mêmes ?
"Nous nous sommes couchés sous l’arbre. Le bruit était celui de quelqu’un qui scie dans l’air juste au-dessus de nous. Nous étions à plat ventre, les mains sur la tête. Ne serre pas les dents, dit L. Ils avaient l’air de scier quelque chose de stationnaire. Les bombes faisaient trembler les fenêtres de ma cabane. Va-t-il en tomber une ? ai-je demandé. Si oui, nous serons détruits ensemble. Je crois que je pensais au néant, à la platitude, mon humeur était plate. De la peur, je suppose. Devions-nous emmener Maybel dans le garage ? Trop risqué de traverser le jardin, dit L. Puis un autre vint de Newhaven. Bourdonnement, vibration, fredonnement tout autour de nous. Un cheval hennit dans le marais. Chaleur oppressante. Est-ce le tonnerre ? ai-je dit. Pas de canons, dit L. ; du côté de Rinmer, de Charleston. Puis le bruit diminua lentement."
Il n’y a plus de cuirassiers à cheval sur les champs de bataille, maintenant la mort est moderne. Je ne sais pas ce qu’il en est de cette histoire de bombe sonore. On a quelques indices de son/son utilisation. Justement, c’est sans le son. C’est-à-dire qu’on n’a pas pu l’enregistrer. On a juste vu une foule se disperser, et on a rassemblé les témoignages de traumatismes qui restent, longtemps, plus loin que le son muet. L’impression d’un danger abyssal, existentiel dans les oreilles, dévorant le cerveau, et après on ne sait plus sortir, ni parler, ni être. J’enregistre un son pour un ami. La musique de Nino Rota produit un son réparateur, un sentiment englobant et chaud, somptueux, fugace, comme nous. Chez les sons, il y a des fantômes. Des sons fantômes et des sons vivants qui racontent les sons morts. Le sentiment continue d’exister, comme si le son le prenait sur son dos pour le porter.
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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)



Messages
1. block note - vroum la suite a six minutes, 16 décembre, 18:26
faire de la beauté (Maryse et toi) avec ce qui horrifie