TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - "waifs"

mercredi 28 mai 2025, par c jeanney

Hier j’ai trouvé quelque chose de magique pour moi dans le Journal de V Woolf, ou plutôt dans le livre de G Brisac et A Desarthe qui cite le Journal de Woolf, et ce matin je vais tenter de retrouver la citation exacte, mais je n’ai que l’année comme point de repère, 1938. J’ai lu cette citation à H qui était à côté de moi quand je suis tombée dessus et j’avais du mal à ne pas avoir la voix brisée. C’est très étrange d’avoir la voix brisée (par l’émotion), parce qu’il y a une dissociation (dans mon cas) entre mon cerveau qui désire produire une voix claire, stable, posée, pour bien porter les mots, et ma voix qui se dérobe, comme des jambes qui lâchent. Je lis les Cahiers de Nijinski. Je lis Mes amis d’Emmanuel Bove. Je pense aux contraintes de travail que je me mets, comme si j’étais toujours en train de glisser et qu’il me fallait placer des poignées et rambardes partout où m’accrocher, la bonne élève qui attend la consigne et qui, comme elle trouve le temps long (le prof est dans le couloir, un long couloir), se donne des devoirs elle-même, et rédige son bulletin elle-même, sans montrer d’imagination, régulièrement un "peut mieux faire", au point qu’elle se donne l’ordre de se fabriquer un tampon peut-mieux-faire pour des questions de rapidité. Je pense que je devrais tirer sur cet élastique là, la consigne interne qui contrôle ma production, c’est éprouvant ce vocabulaire, contrôle, production, sorti de la bouche d’Henry Ford qui était une personne déplaisante de niveau 12 sur l’échelle des funesteries. Je lis les Raconteries de Charles Pennequin. Je place une ipomée bleue entre le shisandra qui défleurit et le solanum rantonnetii qui se panache de parme. Je choisis de broder des méduses. Je choisirais bien de faire de la méduse mon animal totem. Quand on fait l’expérience de placer dans un aquarium une méduse face à une consigne, l’une des deux coule en une seconde. Je retrouve le passage avec la citation prélevée par Brisac et Desarthe, ce n’est pas tout à fait la même. Dans le Journal version française traduit par Colette-Marie Huet et Marie-Ange Dutartre, il y a le mot "orphelins", et dans la citation de Brisac et Desarthe, le mot "orphelins" est remplacé par "enfants abandonnés". Ce qui me tracasse, c’est que le mot "orphelins" me laisse derrière la vitre. "Enfants abandonnés" court à ma hauteur près de moi, ce n’est pas la même chose. Ma voix ne sera pas brisée par "orphelins". Je cherche le texte original, impossible de me procurer le Journal en anglais pour l’instant, je passe de lien en lien, je réalise que le passage que je vise a été sélectionné par Leonard Woolf pour Journal d’un écrivain que j’arrive à ouvrir en version originale. Le terme exact est waifs. Donc : orphan, homeless child, enfant abandonné, enfant malheureux, a homeless and helpless person, especially a child, sans abri, sans défense, ce qui est plus large qu’"orphelins", j’ai bien fait d’être émue. J’apprends après coup qu’existe le verbe défunester.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • aujourd’hui j’ai essayé de t’imiter... et c’est désastreux (rire) vraiment, totalement - louper c’est ce que je fais de mieux - il est vrai que là j’étais ambitieuse !

  • Est-ce qu’on va de lecture en lecture suivant un ordre performatif ou simplement au hasard ou parce que des algos (je simplifie mais je déteste ça) nous y invitent obligent forcent ? Jsuis pas certain : parfois on travaille on suit le cours des choses - j’ai toujours tendance à m’éparpiller et ça m’est insatisfaisant - très - des chantiers à n’en plus finir - pour n’en plus pouvoir et se sentir vivre et prolonger encore les projets peut-être... Allez courage...

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