TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - yeux

vendredi 9 mai 2025, par c jeanney

J’ai repensé à mes chantiers du jour (en plus de mon livret Kg avec lequel je commence à être d’accord avec ce que mes mains fabriquent) : il y a une bande-son pour une installation autour de VW qui d’un seul coup ce matin me semble inévitable, peut-être au point de déborder, d’emmener le reste avec elle. Je m’enfoncerais dans les bandes-son. Une bande-son pour l’amie, et une autre sur le thème du chantier d’écriture, en plus de la bande-son pour L’aiR Nu de la minute papillon qui doit paraître mercredi prochain. Je pourrais devenir bande-sonneuse comme de rien. Je serais une grande oreille qui pioche et qui raccordent des sons entre eux, et je ne ferais que ça, je n’aurais fait que ça, peut-être que pour moi écrire aura été une bande son déficiente, car j’aurais fait semblant de ne pas voir le micro à l’intérieur, prenant mes notes. Il faut lutter pour les sons, avec les sons, les laisser faire et puis les discerner dans le mélange noirâtre engloutissant. J’entends des tas de réveillez-vous. Vous êtes en retard, nous sommes en retard, réveillez-vous. Nous n’aurions pas dû laisser une patte de mouche de massacre, pas le début d’un gramme de pensée de gestes de cruauté, trop tard, le massacre accompagne les plus doux, les dociles et les indifférents. À grande ampleur. Des massacres vus d’avion, des massacres visibles par images satellites. Peut-être que voir ne suffit pas, qu’il faut que les oreilles soient saturées de bruits et de réveillez-vous hurlants, plaintifs, incontournables. La vue, on peut tourner la tête ailleurs. Les mots écrits, on peut fermer les yeux très fort. Les cris, ça ne se masque qu’un temps, on ne peut pas plaquer un oreiller sur tout. Ou alors, ce n’est pas seulement le bruit que l’on étouffe, mais soi, ce qu’on a de plus innocent, au centre. L’autre jour, j’étais près de l’arbre de la liberté, j’en entendu de la musique, c’était un couple que le tronc de l’arbre m’avait d’abord caché, un couple tranquille, une sorte de Déjeuner sur l’herbe qu’on peindrait cette année, et elle s’est levée pour danser doucement. Je me suis assise sur le banc d’à côté l’air de rien, et j’ai ouvert mon téléphone pour enregistrer, en essayant de ne pas gêner cette douceur. Je peux y repenser à chaque fois que je passe devant l’arbre maintenant.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

Messages

  • j’aime tant "le micro à l’intérieur, prenant mes notes. Il faut lutter pour les sons, avec les sons, les laisser faire ..."

  • (à propos de bande-son (avec mes excuses pour ce développement un peu hors du sujet mais pas tant que ça - encore que) durant l’assaut meurtrier et inqualifiable qui a eu lieu au Bataclan un certain treize Novembre voilà de ça bientôt dix ans, un dictaphone "pirate" (qui enregistrait le concert pour les potes et tout ça) est resté efficace durant toute la soirée jusqu’à ce qu’un.e policièr.e ou autre le découvre - la bande-son n’était pas de très bonne qualité mais on perçoit (dit le livre que je lis ces temps-ci - qui est une horreur et une terreur édifiante sur l’espèce de personnalité des assassins - une humanité imbécile) ces bruits (cris tirs etc.) et donne une idée du déroulement du carnage (seconde par seconde) (il n’est pas complètement avéré qu’il s’agisse-là de preuve à proprement parler) (navré pour l’ambiance ici remémorée...) (le livre est sous-titré "les policiers du 13-novembre" et titré "mémoires d’une tragédie") (c’est de mon plein gré que je me le suis procuré...)

  • Merci Brigitte !
    (si moi je suis une grande oreille, toi avec tes photos, tu es un grand oeil))

  • Merci Piero, c’est glaçant ce que tu dis, cette bande son qui continue son travail quand tout explose autour(((

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