journal de bord des Vagues -109 ["l’or coule dans notre sang"]
vendredi 8 septembre 2023, par
.
(journal de bord de ma traduction de
The Waves de V Woolf)
.
.
.
.
.
(Rhoda imagine Percival qui vient de s’embarquer pour l’Inde)
– le passage original
‘Unknown, with or without a secret, it does not matter,’ said Rhoda, ‘he is like a stone fallen into a pond round which minnows swarm. Like minnows, we who had been shooting this way, that way, all shot round him when he came. Like minnows, conscious of the presence of a great stone, we undulate and eddy contentedly. Comfort steals over us. Gold runs in our blood. One, two ; one, two ; the heart beats in serenity, in confidence, in some trance of well-being, in some rapture of benignity ; and look — the outermost parts of the earth — pale shadows on the utmost horizon, India for instance, rise into our purview. The world that had been shrivelled, rounds itself ; remote provinces are fetched up out of darkness ; we see muddy roads, twisted jungle, swarms of men, and the vulture that feeds on some bloated carcass as within our scope, part of our proud and splendid province, since Percival, riding alone on a flea-bitten mare, advances down a solitary path, has his camp pitched among desolate trees, and sits alone, looking at the enormous mountains’
mon problème avec le minnows (dans minnows swarm)
c’est que je ne veux pas utiliser le mot "fretin" ni le mot "vairon"
question visuelle, et de sonorités
(et puis ce n’est pas un exercice de biologie, ce qui compte c’est la petitesse)
c’est ça qu’il faut rendre
l’idée d’un monde rétréci minuscule qui tout à coup devient tellement large que les yeux ne peuvent le contenir
comme quand on ouvre les volets le matin
et c’est bien sûr l’écriture de ce mouvement qui va me donner le plus de mal
(en gros, de the heart beats in serenity à splendid province)
si j’arrive à faire en sorte que cette partie-là du paragraphe tienne, le reste suivra
j’ai quand même besoin de garder un peu du sens de swarm (essaim, nuée, masse, colonie)
aussi parce que le mot est répété deux fois (minnows swarm / swarms of men)
je dois trouver une solution qui fasse correspondance dans ces deux passages
je fais beaucoup de tentatives, et très honnêtement quand je m’arrête sur l’une d’entre elles, souvent je ne sais pas pourquoi
sûrement la sensation que lorsque je prononce la phrase à voix haute il ne se produit pas de heurts
je traduis beaucoup à voix haute
une pointe d’ironie de la part de Rhoda, dans our proud and splendid province (qui résonne avec le The Oriental problem is solved de Bernard dans le paragraphe précédent) et sans doute pour elle sa façon d’exprimer la déception, la colère, la frustration, un jugement aigri, pourquoi Percival est-il parti ? pour jouer au héros, comme un petit garçon dans son jardin qui fait semblant d’être un explorateur ?
finalement après-coup, le passage le plus important n’était pas celui du mouvement, mouvement factice, mais le début du paragraphe, avec cet immense apaisement
qui fait couler l’or dans les veines
(l’apaisement, c’est la quête de Rhoda, ce qu’elle cherche sans pouvoir l’obtenir)
– ma proposition
« Qu’il soit inconnu, qu’il cache un secret ou pas, peu importe, dit Rhoda, il est tombé, comme un rocher dans un étang grouillant de poissons minuscules. Nous allions, petits poissons, ici et là, et nous nous sommes précipité autour de lui lorsqu’il est arrivé. Petits poissons, constatant la présence du rocher, nous ondulons et tourbillonnons de plaisir. La quiétude s’empare de nous progressivement. L’or coule dans notre sang. Un deux ; un deux ; le cœur bat avec sérénité, avec confiance, dans une sorte de bien-être transi, un ravissement caressant ; et regardez – de l’autre côté de la terre –, des ombres pâles à l’extrémité de l’horizon, l’Inde par exemple, s’élèvent, maintenant à notre portée. Le monde qui s’était desséché récupère sa rondeur ; des terres reculées sortent des ténèbres ; nous voyons les routes boueuses, la jungle enchevêtrée, le grouillement des hommes, et le vautour qui dépèce une carcasse boursoufflée, tout est à notre portée, tout fait maintenant partie de notre fier et splendide territoire, car Percival, sur sa jument piquetée de gris, chevauche le long du sentier solitaire, installe son camp entre les arbres désolés, et reste là, seul, assis, à contempler d’immenses montagnes. »
.
( work in progress )
.
.
.
.
.
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</