journal de bord des Vagues -15 [textures et ruptures de rythme]
jeudi 7 mars 2013, par
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(journal de bord de la traduction de The Waves de V Woolf)
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j’avance très lentement dans la traduction des Vagues.
(surtout si je compare avec celle du Portrait de Dorian Gray, où j’étais littéralement stakhanoviste, trouvant que chaque minute passée sans le traduire était du temps perdu, décidée à revenir au texte après chaque obligation de m’en éloigner, sa mécanique me happait, comme les roues et rouages des Temps Modernes attrapent Charlot)
là, c’est presque d’un train de sénateur,
mais c’est logique : l’essence des deux textes est si différente
pas de mécanique avec V Woolf, ni d’enchaînements, pas de solution chimique où les ingrédients moussent une fois réunis ensemble et provoquent la suite, précipité au cœur d’une éprouvette,
mais des textures et des ruptures de rythme
deux textures surtout, assemblées, unies à la suite
exposées en contraste
le lever de soleil, contemplatif, presque "juteux", lisse et dense, mais étalé et large
et les dialogues intérieurs des enfants, clinquants, cassants, se brisant comme des brindilles séchées qui craquent, ces petits jeux de fagots qu’on ficelle ensemble, qu’on compte et recompte (et le savoir inconscient de l’importance de ces jeux sur la formation de qui on est)
et chaque mot forme ce crissement, ou le bruit de ces dés agités qui se bousculent, petits sons sourds, lancés
pendant que le soleil sur la mer et les vagues chantent lentement au loin
il faut être très attentif au moment même de traduire
(pas uniquement aux mots choisis)
garder l’énergie ou le souffle qu’il faut produire au bon moment, moment exact
ce qu’il est possible d’entendre/comprendre
on inspire
on souffle
ça ne pouvait pas s’appeler autrement que Les Vagues
Messages
1. journal de bord des Vagues -15, 7 mars 2013, 15:29, par brigitte celerier
et vais attendre avec l’impatience respectueusement bridée, que s’élabore ce tissage, qui n’en sera que plus fidèle et subtil si Madame la traductrice prend le temps qu’il lui faut, dont elle dispose, et éprouve un plaisir tendu dans son élaboration
2. journal de bord des Vagues -15, 7 mars 2013, 17:47, par Zéo Zigzags
Voilà. Entrer dans l’âme et la peau de. Le rêve d’être traduit/e ainsi et de l’exprimer si parfaitement pour tout/e auteur/e.
3. journal de bord des Vagues -15, 7 mars 2013, 19:24, par Christine Jeanney
Merci à toutes les deux ! (j’espère que ma lenteur ne sera pas synonyme de grumf) (le grumf étant le soupir que l’on pousse en lisant du bof, et c’est molto désagréable...)
4. journal de bord des Vagues -15 pas grumf, 9 mars 2013, 09:22, par Elizaleg
Pas le moindre grumf... mais le plaisir des mots justes : texture, rythme, souffle...