journal de bord des Vagues -4 [le premier coup de la cloche de l’église]
samedi 9 février 2013, par
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(journal de bord de la traduction de The Waves de V Woolf)
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Hier, une difficulté toute simple, mais qui m’a arrêtée longtemps
j’ai essayé de décrypter pourquoi-comment
"That is the first stroke of the church bell, said Louis. Then the others follow ; one, two ; one, two ; one, two."
"C’est le premier coup" (de la cloche de l’église) qui ne me va pas.
Le mot "coup" est court et sec, bon pour un coup de poing, une claque, un bruit de heurt qui stoppe dans l’instant (alors que stroke est plus long, plus rond de son (avec son o), se rapprocherait presque d’un dong’ associé au bell qui vient juste derrière et que l’oeil est allé chercher en finissant de lire).
Mais je ne trouve pas de mot pour remplacer ce "coup" sans la couleur sonore qu’il faut (c’est un passage où les sens auditifs et visuels s’explorent), alors je tente
"La cloche de l’église sonne une première fois",
(ce n’est pas simple comme décision, parce que je retourne la phrase derrière par-dessus tête, elle qui ne m’a rien fait, je suis bien arrogante) (mais il me semble qu’elle s’installe davantage sous cette forme, qu’elle s’étale un peu mieux, comme le son de la cloche)
"Puis les autres suivent" n’est plus cohérent maintenant.
Les autres quoi ? Les autres strokes était logique, mais j’ai choisi de mettre "La cloche de l’église sonne une première fois" ce qui m’empêche de parler "d’autres" sans préciser lesquels. (c’est ce qui se passe quand on prend des décisions outrageusement autoritaires, un effet domino, toute l’étagère s’écroule)
et je veux garder l’idée de résonance : je tente "son"
et j’hésite entre "les autres sons résonnent à la suite" et "les autres sons suivent".
deuxième solution finalement.
"Un son qui résonne", pourquoi pas un son sonore qui résonne en sonnant pendant que j’y suis ? (c’est l’effet post-traumatique du coup, sûrement, en voulant trop tirer vers "l’oreille", je risque d’arracher la tête, donc aller au plus simple)
j’en arrive à
« La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Puis, les autres sons suivent ; un, deux ; un, deux ; un, deux. »
pourquoi "les autres" ? je me demande d’un coup. Ce "Les autres" peut indiquer une fausse piste vers des sons différents du premier (ce serait quand même bien étrange une cloche d’église qui sonne une fois, puis qui enchaîne avec un bruit de klaxon, de grelots, de crécelle ou bien un cri de cormoran).
Aller au plus simple, pour qu’on entende bien, je me répète.
alors je tente
« La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Puis, les sons se suivent ; un, deux ; un, deux ; un, deux. »
"Puis, les sons se suivent" est bancal, je trouve, commence trop raide, pas symétrique. "Et puis, les sons se suivent" plus harmonieux, lorsqu’on dit toute la phrase à voix haute.
je tente-tentative
« La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Et puis, les sons se suivent ; un, deux ; un, deux ; un, deux. »
(pour l’instant)
et je passe à la phrase suivante.
(tout en sachant qu’à la première relecture totale, ou à la deuxième, ou à la xième, je trouverais peut-être le mot "son" idiot ou la construction molle ou besogneuse)
(et il faudra détricoter le tout, pour retricoter autrement)
Messages
1. journal de bord des Vagues -4, 9 février 2013, 13:04, par Danielle Carlès
Tricoter, détricoter, retricoter, jusqu’au dernier moment, jusqu’à la dernière relecture (et au-delà).
2. journal de bord des Vagues -4 - tricot, 9 février 2013, 13:49, par Elizaleg
Tricoter, point mousse ou jersey ?
A part ça, le problème que tu poses ici est typique des difficultés de la traduction, parce que cette fois, il n’y a aucune difficulté de compréhension, le sens est simple et clair ; mais il est diablement difficile à rendre.
"Coup" ne serait guère satisfaisant, pour les raisons que tu dis ; mais "les sons se suivent" ne me semble pas très heureux (ça ne sonne pas bien !) Et si on essayait - moi aussi je tente, hâtive - de combiner : « La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Et puis, les coups se suivent ; un, deux ; un, deux ; un, deux. »
Je continue à gamberger, je vais emporter la question dans ma tête à ma bibliothèque du jour, et je reviendrai plus tard.
1. journal de bord des Vagues -4 - tricot, 9 février 2013, 15:01, par Christine Jeanney
oui, je suis en train de tenter "les sons viennent à la suite" pour l’instant, mais le tricot n’est pas fini (#Pénélope :-)
3. journal de bord des Vagues -4, 9 février 2013, 15:59, par Danielle Carlès
tinte ? tintement ?
1. journal de bord des Vagues -4, 10 février 2013, 08:20, par Christine Jeanney
je ne sais pas pourquoi tinte semble petit-délicat-léger (un triangle tout fin) mais c’est beau tintement, et ça dure, et c’est mot rythmé ! Merci Danielle :-)
4. journal de bord des Vagues -4, 9 février 2013, 16:00, par Phlippe Lambert
C’est la première volée de cloches (de l’église), dit Louis. Puis les autres ...
5. journal de bord des Vagues -4, 9 février 2013, 17:06, par Phlippe Lambert
Ou alors le battant de la cloche donnerait —> C’est le premier battement de cloche à l’église. L’idée d’une forme sonore sensible et cordiale.
1. journal de bord des Vagues -4, 10 février 2013, 08:24, par Christine Jeanney
volée, on ne sait pas si ça reviendra (dans ma tête une volée s’échappe et puis plus rien, les moineaux enfuis). Battant de cloche c’est beau, battant tout seul c’est rude, mais battant de cloche c’est beau, une belle idée en mots associés.
6. journal de bord des Vagues -4 [le premier coup de la cloche de l’église], 10 février 2016, 15:33, par Tania
J’arrive bien tard pour une suggestion, mais je réagis tout de même : "sonne" est parfait, "sons" ne sonne pas, à mon avis, ou encore moins que "coups".
Pourquoi pas : "La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Et puis, les autres suivent ; un, deux ; un, deux ; un, deux. » (sous-entendu "fois") ?
Ou même : "La cloche de l’église sonne une première fois, dit Louis. Puis les autres ; un, deux ; un, deux ; un, deux. »
7. journal de bord des Vagues -4 [le premier coup de la cloche de l’église], 10 février 2016, 16:33, par Christine Jeanney
Merci Tania, un régal de venir relire grâce à vous ce billet alors que je suis plus loin.
Ce que j’aime dans cette traduction des Vagues c’est qu’une simple phrase comme celle-ci est un parcours en soi pour la rejoindre (c’est merveilleux) !