Et le chant du cheval [les lycopodes]
mardi 29 novembre 2022, par
[1]
Comment nous devons vivre ?
C’est un gâchis énorme.
Le mot Partition évoque la musique.
Le mot dit plus que lui-même.
Au début il y a eu un choc.
Au début il y a eu une calebasse.
Et le chant du cheval.
Ensuite
il y a eu beaucoup de silences.
Et nous avons eu la révélation d’un monde.
Je me souviens très bien que je ne savais rien,
et j’ai dit Je ne sais rien, avançons.
Il n’y a pas de dates.
Il fallait recueillir les mots
sur les bouches qui allaient s’éteindre.
Nous sommes allés chercher
lointainement
le plus lointainement possible
tous ces chants
magiques et formels.
C’est politique,
la marche
pour récupérer la terre.
Le chiffre quatre est fatidique.
C’est le rythme de tous les chants magiques.
Quatre points cardinaux.
Quatre couleurs fondamentales.
On ne dit pas que ce sont des poèmes.
On dit que ce sont des médecines.
On se met en route.
On apprend son visage.
On apprend à se souvenir.
On apprend les larmes.
Toutes ces choses, je pleure quand je les dis.
Je suis en charge d’expliquer les noms des miens.
J’écris des poèmes sur chaque nom de mon village.
Une femme s’appelle Silencieuse-jusqu’au-dégel.
Grâce aux os, on peut faire des vœux.
Une nuit, j’ai fait le vœu que les choses changent.
Il fait sombre là en bas.
Il faut apprendre la langue.
Il faut apprendre la cérémonie
qui dure neuf jours et neuf nuits.
On peut écrire neuf jours et neuf nuits,
ou bien on ne peut pas.
On découvre un mystère.
Je ne demande surtout pas
à l’élucider.
Je demande à être enchantée.
Je le réclame.
La poésie est une médecine.
La nuit des chants
guérit de la surdité
et de la paralysie,
et c’est parce que c’est
un mystère
que nous l’aimons.
(Lycopode 9) [2]
.
(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
[2] Dans les Notes de chevet de Shei Shônagon on peut lire "Sujets de poésie : [...] la bardane d’eau. Le poulain. La grêle. Le bambou nain. La violette à feuilles rondes. Le lycopode [...]". Le lycopode est une plante vivace toujours verte dont les racines se divisent en formant un Y, ce qui est un choix, comme celui que je fais de garder, ou déplacer, ou retailler, recoudre, reprendre la phrase entendue ici ou là pour en faire un poème lycopode.