journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan
samedi 15 octobre 2016, par
– quand on vient de publier un texte arrive toujours ce moment où on passe l’aspirateur dans l’escalier
– c’est malcommode, alors on pense
– c’est le moment où apparaît le toboggan de taille raisonnable qui si on y tombait nous ferait rebondir dans une benne avec toutes sortes de questions aussi malcommodes qu’aspirer l’escalier :
est-ce que suis lu et par qui
et ceux/celles qui lisent qu’est-ce que ça leur fait
la question des barrages
est-ce que mon écriture fait barrage, n’est pas lisible
est-ce que le support fait barrage, n’est pas lisible
est-ce que prix fait barrage, est-ce que payant c’est trop cher, est-ce que gratuit ça ne vaut rien
– est-ce que le prix qu’on donne, les prix qu’on donne, y compris le nobel ne sont pas une narration, une fiction, où se reconnaissent des partisans, comme se reconnaissent ceux qui ont lu la bible dans la narration de la bible et lu sophocle dans la narration de sophocle
– est-ce que la narration d’un trump n’est pas de rallier avec lui le vote des petits qu’il écrase de l’autre pied
– est-ce que nous ne sommes pas comme ces pensionnaires de goulags qui pleuraient lorsque le petit père des peuples est mort, qui pleuraient la mort d’une narration, malgré l’écrasement
– est-ce que, commentant et nous intéressant à toutes ces paroles vaines ou destructrices, scandaleuses parfois, pitoyables discours, livres faits de petites phrases assassines, jeux politiques complexes, watergate en constante gestation, et portant à la connaissance du plus grand nombre — donc leur donnant du prix, et la réalité d’une narration effective, efficace — les déclarations qu’on imagine d’un autre âge, sans compassion, sans clarté, racistes, misogynes, enfermantes, nous ne construisons pas nous-mêmes la narration aplatissante, et ne sommes nous pas tous en train de pleurer la mort de multiples stalines nous écrasant de l’autre pied
– j’ai bien peur, pour reprendre ces questions à mon compte, que je ne pourrais qu’aller voter en pleurant des narrations mortes
– je commence à vieillir
– pour me présenter chezQaZaQ j’ai mis "Née en 1962 et, en ce moment, là, tout de suite, vivante et occupée à des tentatives Textuelles Visuelles Sonores Plastiques visibles sur son site" et je le pense, c’est vrai que je suis vivante ici maintenant
– il y a beaucoup de choses vivantes : y compris chez celles qui ne le sont plus, ainsi Maryse Hache est vivante, malgré certaines informations contradictoires
– et, devenant aussi vieille que vivante, je crois avoir trouvé la seule parade possible, le seul geste qui protège de la chute dans le toboggan : faire
faire de petites cosmogonies,
de petites urnes,
de petites vidéos,
de petites lectures,
de petits textes gratuits et non-gratuits,
de petits signes,
de petites discussions
et de petits gestes réfléchis qui laisseraient l’escalier assez propre, ou peut-être furieusement propre, joyeusement propre, vivant
(tiens, "vivant" c’est le dernier mot de mon dernier texte publié gratuitement, ainsi ce que je viens d’écrire tiendrait dans l’arrondi d’une bulle)
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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
Messages
1. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 15 octobre 2016, 11:54, par brigetoun
oh la dame qui a tout juste vingt ans de moins que moi (on les gomme) oh la dame qui écrit vraiment et a écrit plus que ne le saurais faire avant la fin, oh la dame qui pense qu’elle va voter en pleurant alors que petite vieille suis tentée de ne pas le faire du tout (passé le soutien avant à un qui n’a pas de chance) je te rejoins en tout je crois les différences oubliées
et oui malgré envie de baisser les bras, faire petites choses (sens que là ça va être minuscule, suis un peu en mode sur un bateau) mais étant ce que je suis c’est pas tellement propre après (sourire)
bon tout ceci pour dire que j’aime ce billet
2. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 15 octobre 2016, 11:58, par czottele
on ne petit-vit pas, on ne grand-vit pas non plus, on lit de petites cosmogonies, de petits signes et on se dit qu’on vit plus grand, plus vivant, alors pour tout ça merci de vieillir vivante !
3. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 15 octobre 2016, 11:59, par Christine Jeanney
(mais si c’est propre :-))) (mais, ne pas voter du tout me tente aussi, quelle tristesse, et ce n’est pas une expression comme ça, c’est comme l’humidité des murs qui ne s’en va jamais, une tristesse collante et bien installée à demeure) (mais c’est pas parce qu’on est tristes qu’on doit se laisser faire, oh non) (alors faire, et dans ce domaine tu fais plus que beaucoup !).
4. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 15 octobre 2016, 12:04, par Christine Jeanney
ah Christine merci ! (tu fais une géniale vieille vivante) (montons un club) (les VV) (les vieilles vivantes) (avec un badge et un chapeau) (je tiens beaucoup au chapeau personnellement) :-)
5. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 15 octobre 2016, 12:30, par PdB
(en même temps, c’est normal qu’on pense la même chose) (enfin, normal je ne sais pas exactement ce que ça peut bien vouloir dire, et poser la question -du normal - est-ce que c’est y apporter une réponse ? je ne crois pas que ce soit suffisant) (il y a un peu trop de "je" dans ce commentaire d’un texte fait d’alinéas qu’il me semble que je partage tous)( c’est pas français, dis donc) en tout cas, je vois que l’escalier est assez aspiré (inspiré aussi) (ce serait comment si tout ce que tu fais était "grand" ? hein dis ? ce serait comment ?) on ne lâchera rien (Maryse, t’es là) Bises
6. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 16 octobre 2016, 09:43, par Claude Enuset
ces questions malcommodes qui occupent la benne, débordent de celle-ci, remontent le toboggan, viennent provoquer, sans attendre qu’on s’y laisse tomber, et c’est faire notre réponse
fort
7. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 17 octobre 2016, 09:35, par Dominique Hasselmann
Faire ou créer, quoi que ce soit, important ou pas, lu ou pas, plaisir peut-être solitaire (tout plaisir ne l’est-il pas ?) : quant à voter entre la diablesse affichée et le diable grimé, la question demeure rigolote.
J’ai téléchargé "le" roman, je le lirai attentivement un de ces quatre !
8. journalier 15 10 16 / de l’escalier / du toboggan, 17 octobre 2016, 17:33, par Christine Jeanney
merci à tous les trois
(et bien fort en plus)