TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

PLACARD DE L’ATELIER

du pourquoi pas

[journalier]

journalier 21 01 16 / vidéo chantiers

jeudi 21 janvier 2016, par c jeanney


 quand j’écris un cahier des charges, hypothèses d’idées, de structures, de principes, de voies d’entrée, où je projette comme on le ferait d’un film au cinéma ma possibilité d’écriture selon un agencement futur, cherchant un assemblage de bras de jambes qui en ferait une silhouette valable, quand je dis il faudrait ceci ou il ne faudrait pas cela et que j’en fais une liste, un semblant de liste d’approches, un brouillon de récits qui passe autant par la lecture que j’en aurais que par son écriture, je me raccroche à mon chantier en fixant bien l’endroit où coulent la chape, les fondations, en espérant que c’est de là que sortiront les murs, peut-être seuls (je rêve)
 quand j’écris un projet d’idées, je parle de tout sauf du danger, j’accumule les détails tangibles pour éviter de penser au danger, au hors champ, au danger de la chute, de l’étrange traversement, danger d’avoir prévu tout ce que j’aurais prévu en vain car il sera question d’autre chose, un danger un peu hypnotique mais imparable, sans le danger de l’embardée qu’est-ce qu’il y aurait à écrire
 un chantier réel dans ma cour, une boîte à outils rouge sur une poubelle jaune, une camionnette décharge ou récupère, morceaux de tuiles, de fer, bruits de scies, c’est du métal qu’on fend un bonnet sur la tête et les mains engourdies de froid
 mon chantier parallèle au dedans voudrait scier, mais quoi, le métal des idées évidentes ou qui pourraient paraître bonnes parce qu’elles sont avant tout confortables, ça rassure de prévoir
 l’ambivalence de ce prévoir, rassurant, décevant, car une fois qu’on a tout prévu que reste-t-il, ça retombe en copeaux, comme si à force de prévoir on rabotait l’écriture un peu plus, et un peu plus, et il reste quoi
 c’est l’imprévu qui fera corps et pourtant impossible de ne pas prévoir, parce que la question c’est toujours construire
 et la périphérie qui pourraient être happée, entrer, Fenêtre sur cour, Soulèvement, Giorgione, est-ce que ça fera matière ou est-ce que ça fera vent stérile, déstabilisant le reste de au point de balayer l’agencement, tout partirait en vrille (mais est-ce que ce n’est pas justement dedans la vrille qu’il faut écrire ?)
 dehors un chantier réel dans ma cour, là aussi la question c’est construire

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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