il a dit Nous allons garder le même rythme, c’était une drôle de phrase dans sa bouche, il n’y avait aucun rythme là-dedans, personne n’avait de rythme dans ce cas-là, à ce moment-là, de rythmes il n’était pas question, sa tête brinquebalait, son costume bleu nuit brinquebalait avec sa tête sans aucun rythme, un bandeau défilant sous l’écran menaçait de s’effacer à chaque fuite nouvelle, à chaque délitement de lettres majuscules et blanches, car c’étaient des messages qui ne concernaient que peu de monde, un homme se laissait tomber dans une voiture, une femme embrassait son reflet dans la glace, c’était ça le rythme qu’il voulait, celui des occupations financières, et ça m’a fait repenser à l’autre jour, quand j’ai réalisé que les frontières n’étaient que des limites économiques, sans doute que c’est pour ça aussi que le mur de Berlin, au moment où on déroule les barbelés, au moment où des familles se font des signes depuis les balcons, par-dessus les limites, me parle, cette fiction d’un rythme à garder, d’une frontière à délimiter, c’est ça qui éventre les gens, ceux qui embrassent leurs reflets sont prisonniers eux aussi même s’ils ont le ventre intact, la machine à laver tourne, le A est comme une mouche aux ailes repliées, des filles qui écrivent réapparaissent après un long silence de plusieurs années, c’est de ne pas avoir le même rythme qu’elles qui nous effraie tant, tous les gens, assis, applaudissant, réunis, se serrant les mains dans leurs costumes bleu nuit et brinquebalant, marchent au pas et ça ne se voit pas à l’écran, à cause des micros et des majuscules qui disparaissent

Des enfants jouent près du Mur de Berlin nouvellement construit en 1961.
KEYSTONE/AP/KREUSCH

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