TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - fouille

vendredi 3 octobre 2025, par c jeanney

Reprise de NT. C’est logique. C’est ce qui se passe quand on a un petit machin noir qui flotte dans l’œil, si on veut le fixer on le ne voit plus, si on regarde au-delà il apparaît. Si je ne vise pas l’écriture de NT, elle arrive. Je crois que j’ai compris maintenant que je ne peux pas écrire autre chose. Essayer de regarder au-delà c’est peine perdue. Le petit machin noir apparaît comme une mouche sur un écran. Il y a la question du transport, d’être transportée, de ne pas essayer de tenir la barre, la question du contrôle. Ce n’est pas de l’écriture automatique, mais il y a une part de ça (d’ailleurs, je pense qu’il y a toujours un grain d’automatisme dans l’écriture, une part d’instincts qu’on n’interroge pas, un mot arrive à un endroit parce qu’il est précédé par d’autres qui mènent à lui, parce qu’on est qui on est, avec notre paquetage, culture sociale, expériences, trajectoire insolite ou banale, premiers chocs, et l’accumulation des sensations, tout ça fabrique une trame, qu’on y réfléchisse ou pas du tout, et qui a aussi à voir avec ce que l’on pense du lieu que l’on habite, petite ou grande échelle, et du temps événementiel qu’on subit ou qu’on a la pulsion d’observer). Il y a quelques phrases d’Orwell que j’ai lues hier et gardées. [1] Et il y a toutes ces autres phrases que j’ai lues/entendues, un peu partout et selon les données matérielles qui sont les miennes, parfois elles ne disaient rien et parfois ça hurlait. Leur impact, je veux le fouiller, automatique.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)


[1extraits de Pourquoi j’écris et autres textes politiques de George Orwell

« Ses sujets [ceux de qui écrit], c’est l’époque dans laquelle il vit qui en décidera – du moins cela est-il vrai de temps tumultueux, révolutionnaires comme ceux que nous vivons –, mais avant d’avoir écrit sa toute première ligne, il aura adopté un ensemble d’attitudes et de réactions auxquelles il ne lui sera jamais possible d’échapper complètement. Son travail, bien sûr, consiste à discipliner son tempérament, à éviter de rester bloqué à un stade immature, ou à demeurer obstinément dans une même disposition d’esprit : mais qu’il échappe à toutes ces influences précoces, et c’en sera fait de son envie d’écrire. »

« Ce n’est pas facile. Cela pose des problèmes de construction et de langue, et cela pose aussi de façon inédite la question de la vérité. Laissez-moi vous donner un simple exemple de la plus rude difficulté qui se présente. Mon livre sur la guerre civile espagnole, Hommage à la Catalogne, est bien entendu un livre ouvertement politique, mais il est pour l’essentiel écrit avec un certain détachement et le souci de la forme. J’ai vraiment fait tout ce que je pouvais pour y dire la vérité entière sans faire outrage à mes instincts littéraires. Mais il contient entre autres choses un long chapitre, truffé d’extraits de presse et autres, plaidant en faveur des trotskistes accusés de collusion avec Franco. De toute évidence, un tel chapitre, qui au bout d’un an ou deux perdrait tout intérêt pour un lecteur ordinaire, devrait gâcher le livre. Un critique que je respecte m’a d’ailleurs dûment fait la leçon. "Pourquoi, m’a-t-il demandé, avoir rajouté tous ces trucs ? Vous avez transformé ce qui aurait pu être un bon livre en banal journalisme." Il avait raison de me le dire, mais jamais je n’aurais pu faire autrement. Il se trouve que je savais ce qu’il avait été permis à fort peu de gens d’apprendre en Angleterre, que des hommes innocents avaient été accusés à tort. Si cela ne m’avait pas mis en colère, jamais je n’aurais écrit ce livre.  »

« À relire ces derniers paragraphes, je m’aperçois que j’ai pu laisser croire à la nature purement citoyenne de mes motivations d’écrivain. Je ne voudrais pas que s’installe durablement pareille impression. Tous les écrivains sont vaniteux, égoïstes et paresseux, et, au plus profond de ce qui les motive, gît un mystère. Écrire un livre est un combat affreux et épuisant, pareil à celui qu’on livre contre une longue et douloureuse maladie. Jamais on ne se lancerait dans une entreprise pareille si l’on n’y était poussé par quelque démon auquel il est impossible de résister ou de comprendre quoi que ce soit. Pour autant qu’on sache, le démon en question n’est autre que l’instinct qui pousse le nourrisson à brailler pour qu’on s’occupe de lui. Il n’en est pas moins vrai que l’on ne peut rien écrire de lisible sauf à lutter sans cesse pour effacer sa propre personnalité. La bonne prose a la transparence d’une vitre. Il m’est impossible de dire avec certitude quelles sont mes motivations les plus fortes, mais je sais lesquelles méritent de me guider. »

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