block note - le volant
lundi 18 novembre 2024, par
J’écris dans cette rubrique pour accompagner l’écriture de NT, j’écris à côté de NT, en dehors de NT, autrement que dans NT, avec une routine différente, et d’abord sur un autre support, un document dans Pages que j’ouvre, que je remplis en bloc, souvent au réveil le matin, et puis je coupe et colle cette note sur mon site, rendant la page de Pages vierge pour la note suivante, qu’elle reparte de zéro le lendemain, alors que pour NT je garde. Ce que je veux « garder » je l’écris à la main, dans un gros carnet, puis je recopie le carnet sur mon ordinateur, en remaniant parfois, par passages successifs, selon un rythme qui m’échappe, mais qui possède sa logique visiblement, dans le carnet écrire deux ou trois feuilles, passer à l’ordinateur sur un seul document-masse appelé NT, donc deux fois archivé, main et clavier, alors que mes notes du block note sont effacées chaque jour, comme le tableau vert à l’école, brossé et épongé, qui attend une date neuve chaque matin. J’ai besoin de cet accompagnement, le block note me sert de trop plein, et aussi à reprendre la main, en tout cas à le croire. C’est comme si j’étais en bateau, imaginons que je sache naviguer, je ne sais pas, je décide d’une direction, je dois sûrement tenir une barre, un gouvernail, enfin ce qui sert à la prise en main, et ça me repose, cette trajectoire par blocs posés. J’écris le bloc de notes le matin, ça je le tiens, et je passe à NT, le gros de la journée, le centre de la journée, l’idée centrale du jour, ça chaloupe et d’autres termes techniques maritimes pour dire que ça secoue ou que ça stagne, et je reviens au bloc le soir juste avant qu’il soit mis en ligne, car il est programmé à 18h00. Je fais ça sans y réfléchir, je crois comprendre que le bloc est comme une main courante dans l’escalier, je l’ai lâchée dans le virage, je la reprends, avant que ça tourne vers l’étage suivant. C’est un journal de bord un peu tronqué, qui ne raconte ni les aléas ni le paysage, ne donne ni longitude ni latitude mais qui prétend une direction. En vrai, le bateau est pris dans NT, c’est plat, ça tourbillonne et il n’y a pas de carte. Parfois c’est plat, oui c’est très plat, pas assez d’eau, pas assez de matière, et je crois qu’NT va échouer là, sur un banc de sable de riens, et passer à la trappe, rangé dans un dossier qui ne sera plus ouvert. Et d’autres fois, mais quelles sont les causes je n’en sais rien, c’est bien plus que je ne peux, trop d’eau, trop de remous, trop de détails, trop d’intensité, trop de pistes, trop de tout, et ma tête pas du tout en capacité de prendre, simplement recevoir, d’engranger, d’ajouter ce qui se présente, ce qui arrive comme aimanté. Ça pourrait être enthousiasmant ce tant, ce trop, et ça l’est, mais c’est aussi très grave, dans le sens de sérieux, parce que ce que j’écoute et ce que je lis pour écrire NT, pour étoffer NT a pour contour des catastrophes. Et comme je ne me divertis pas, que je ne passe pas à autre chose, j’ai l’impression de voir arriver le train, le train fou, de ne parler qu’avec des gens qui voient aussi ce train, ce train terrible, arriver en grondant. Le block note me permet sûrement de rester calme. Mais c’est aussi étrange d’écouter par accident, de voir par mégarde d’autres gens qui n’entendent ni ne voient le train. Hier j’ai vu une catastrophe deux fois, parce qu’elle avait eu lieu à trois ans d’écart, la première fois filmée très mal, en courses et en saccades, images basculées à la limite du lisible, on ne savait pas ce qu’on voyait. La deuxième fois, image stable, claire et cadrée d’une caméra de surveillance, on voit la catastrophe depuis les yeux d’une entité divine sur ce qui lui sert d’olympe, de bout en bout. Dans la journée normale, le quotidien, j’ai l’impression qu’autour de moi les gens devinent à peine les images floues de la catastrophe un, au milieu des obligations et rendez-vous ordinaires, et qu’ils n’ont pas envie de voir ce qu’enregistre clairement la caméra de surveillance de la catastrophe deux, ou seulement pas l’idée d’installer une caméra. Ça donne quelque chose de bancal, ces deux rythmes. Comme si, dans une journée, je passais de ce que je connais et fais depuis toujours à mourir de peur. Que ça faisait des bonds sans cesse entre les deux. Mon block note c’est ce que je connais, ce que je tiens encore en vue, mon périmètre de pensée, et NT c’est volcan, volcan dans toutes ses phases, éruptions, gerbes de feu, lave rouge et lente, puis noire, puis sèche, et puis fertile, et endormie, jusqu’à l’éruption prévisible à nouveau. Je laisse la main, je ne contrôle que ce qui est à ma portée, un peu comme les enfants à qui on donne un volant en plastique en leur faisant croire qu’ils conduisent, et j’ai besoin de croire que je dirige, et aussi besoin de descendre de mon manège pour observer. Le plus étonnant, c’est qu’avec NT en tête, de petites choses qui pourraient passer au large viennent frotter, et elles me servent. Comme ces papiers, un vieux buvard publicitaire qui parle du plan Marshall et un récépissé de télégramme envoyé en 1910, que je fais rentrer dans NT, sans savoir s’il disait — investissez dans le caoutchouc immédiatement — stop — ou bien de la tendresse.
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Messages
1. block note - le volant, 18 novembre, 19:08, par PdB
(ça me fait un peu pareil sauf que je n’écris pas - et que c’est mourir de peur d’abord et ce que je fais et connais depuis toujours ensuite) j’étais au café avec une amie taleur et un gros type (gros bide, grosses joues grosse bouche grosse barbe de six jours avec un clopo à la main, verre de bière sur le comptoir) disant "ah la sciatique ce que ça peut faire mal c’est dingue" il descendait une marche venant de voir les courses et je me disais "oui la vacherie" en me souvenant de ce lumbago de fin 82 - non mais oui - faut travailler et je n’écris pas - peut-être un block-note ? - bonne suite... :° :)))
1. block note - le volant, 19 novembre, 10:11, par c jeanney
ah oui, mais est-ce que Pendant le weekend ce n’est pas un genre de block note déjà (je dis oui, je dis carrément)