TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - où

lundi 20 janvier 2025, par c jeanney

Cela fait plusieurs jours que je n’ai pas écrit pour/dans NT. C’est comme si NT s’était éloigné, un peu comme un invité impatient à qui on aurait promis un spectacle ou un repas et qui, ne voyant rien venir, prend le premier prétexte pour s’en aller. Comme si NT me disait froidement : tu m’as dit que j’étais très important, plus important que tout le reste, et regarde-toi, tu parles de tout et de rien sauf de moi, tu t’occupes de tout ce qui passe à proximité comme une affamée, comme si ma présence gênait. C’est vrai qu’il y a quelque chose de l’ordre de la gêne, la même gêne que devant l’œuvre de Haacke qui déroule toutes les dépêches afp, ou l’équivalent, sur un ruban, un ruban qui grandit, inarrêtable, c’est ça pour moi NT, ce long ruban qui me saisit, parce qu’à la fois il fait "preuve de", preuve de la submersion, et en même temps cette submersion met tout au même niveau, la mort de centaines de personnes ayant autant de valeur, prenant autant de place sur le papier que le score d’un match de tennis. J’ai peur, avec toute cette matière de NT, de tout niveler, ce qui m’arrive fréquemment malgré moi quand je peins quelque chose, arrive un moment où je rends floues les lignes nettes, avec le geste de les savonner, qui pourrait presque être le geste d’en prendre soin, mais au lieu d’une caresse donnée c’est la disparition que j’étends. Je crois que la confiance se mesure là. Si j’arrive à garder confiance en mes lignes, à les laisser exister seules, je n’aurais plus envie de passer dessus un chiffon doux. Ce qui me ramène à ce problème de protéger qui va avec posséder. NT me demande un travail de dépossession, ça doit être pour ça que je recule. Pourtant il va falloir y aller. Je ne sais pas pourquoi je fais le parallèle avec le placard à chaussures et le jour où le temps fait que je dois en changer, plus chaudes ou plus légères, ça n’est pas confortable, je me demande comment j’ai pu marcher si longtemps avec ça la dernière fois, dernière saison, je me sens serrée, ou bien le contrefort me blesse, puis l’habitude revient, je les oublie. Marcher. Confiance aux éléments, aux lignes, aux phrases. D’ailleurs, ce n’est pas le ruban qui arase tout, qui rabat tout au même niveau, c’est mon œil. C’est mon œil qui traduit le ruban. Haacke te met tout dans les mains, et te demande Alors ? qu’est-ce que tu fais ? tu passes outre ? tu supportes l’accumulation ? ou bien tu fouilles chaque ligne sérieusement ? Je ne peux pas voir "en vrai" News 1969 / 2008. Je peux seulement voir les yeux qui le regardent, les angles pris, ce qui change quand l’imprimante est vue à gauche, sens de la lecture, à droite, lieu d’un aboutissement, au premier plan, et elle vomit derrière, comme un raté, un accident, ou tout au bout, en nous mettant en position de recevoir cette sorte d’offrande.

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