block note - minute minute
mardi 19 novembre 2024, par
Tic tac tic tac de l’horloge, au programme aujourd’hui audacity, car une minute papillon doit sortir mercredi prochain. J’ai beaucoup de mal à « prendre de l’avance », je travaille toujours d’une semaine à l’autre, et parfois sur le fil, c’est déjà arrivé que je finisse l’audio la veille de sa mise en ligne sur l’aiR Nu. Mes minutes ne durent pas vraiment une minute, c’était vrai au début, et puis j’ai eu envie de leur ajouter un générique, différent à chaque fois, ce qui donne dix ou douze secondes de plus, et petit à petit mes minutes ont commencé à s’allonger, elles atteignent en ce moment à peu près une minute quarante-cinq secondes. Ma « technique de fabrication » est particulièrement affûtée, c’est de l’horlogerie fine, non je plaisante, elle n’est pas affûtée du tout, je fabrique mes minutes comme je fabrique le reste, au petit bonheur, parce que la technique du hasard fonctionne, et même étonne, et même révèle des choses qu’on ne savait pas. C’est ce que j’aime, que ce soit dans l’écriture ou les collages, cette drôle de recette de cuisine qui à partir d’ingrédients stables produit l’instable, à cause de sous-entendus, de sous-textes ou de surgissements de vrai caché dessous — comme pour ce block note d’il y a deux jours, j’avais pris une photo comme ça venait, sans réfléchir, et sans comprendre, c’est Véronique Muller qui m’a dit après coup que la photo s’accordait à ce que je racontais sur l’ailleurs et l’ici (une photo de fleur d’hortensia, prise de nuit, dans un halo de noir, ce qui la fait exister dans un ailleurs indéfinissable, alors qu’elle se trouve dans ma cour, à quelques mètres de mon ici). Sans l’avoir ni envisagé, compris, et encore moins anticipé, ça a fait sens, au petit bonheur, ou sous le hasard objectif comme dirait Breton, qui n’était pas breton mais normand, les choses sont d’une complication extrême. Donc aujourd’hui, journée audacity, j’ouvre plusieurs onglets, plusieurs pistes, parfois huit ou neuf, plus une dizaine d’onglets sur mon navigateur donnant sur du matériel sonore, avec de la parole, des émissions, des entretiens. Je cherche à enregistrer des paroles de femmes, exclusivement, parce que les voix des hommes ont, de fait, déjà beaucoup d’espace pour dire, Dans ces voix de femmes je cherche « quelque chose ». Je dois aussi faire attention de ne pas me cantonner aux seules voix « artistiques », dont on sent rien qu’au phrasé qu’elles font partie d’une classe privilégiée. C’est la question de la présence des voix audibles, celles qui sont entendables sur les ondes, disponibles. Très peu d’accents. Voix jeunes ou middle age, peu de voix vieilles. L’espace sonore n’est pas très différent de l’espace visuel. Par exemple ce matin, infos à la radio, la seule voix à accent était celle d’un agriculteur en colère. Elle était enregistrée in situ, au milieu de bruits parasites qui parfois la recouvraient. Les voix « correctes » sont mieux choyées. On sent aussi qu’une voix légitime, légitimée sur les ondes, ne se pose pas la question du temps dont elle dispose, qu’elle a l’opportunité de suivre le fil de sa pensée, tranquillement, sans urgence, et parfois c’est interminable. Ce qui n’est pas interminable, c’est mon temps. Je passe en gros une demie journée, ou un peu plus, à fabriquer une minute papillon. J’ouvre une piste-brouillon d’audacity en continu pendant que je tâtonne à la recherche d’une voix qui me parlerait, je capture des extraits que je colle sur ma piste-mère, celle d’aujourd’hui se nomme mp 41, car c’est la quarante et unième, je déplace, je replace, j’installe des respirations, et puis des bruits, des musiques et d’autres voix, ambiances ou sons bizarroïdes. L’habillage son vient toujours après les voix, ce sont les paroles des voix de femmes qui dirigent. Je ré-écoute et ré-écoute, je reprends, parfois je coupe toute une partie, et demain, après-demain, parfois juste avant la mise en ligne de mercredi prochain je risque encore de faire des modifications, des sortes d’ajustements qui ne sont peut-être pas évidents à entendre, c’est si rapide une minute quarante-cinq, si vite passé, mais comme j’ai l’oreille collée dessus plusieurs heures je les entends. Je ne travaille pas vite, sauf pour l’image qui sert d’accroche visuelle à ma minute, en général faite avec ce que j’ai sous la main, à l’arrache et au hasard logique du petit bonheur.
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