TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

JOURNAL DE TRADUCTION DES VAGUES #WOOLF

journal de bord des Vagues -111 ["elle bouge, vivante peut-être"]

mercredi 13 septembre 2023, par C Jeanney

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(journal de bord de ma traduction de
The Waves de V Woolf)

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(que voit Rhoda ?)

 le passage original

‘Yes, between your shoulders, over your heads, to a landscape,’ said Rhoda, ‘to a hollow where the many-backed steep hills come down like birds’ wings folded. There, on the short, firm turf, are bushes, dark leaved, and against their darkness I see a shape, white, but not of stone, moving, perhaps alive. But it is not you, it is not you, it is not you ; not Percival, Susan, Jinny, Neville or Louis. When the white arm rests upon the knee it is a triangle ; now it is upright — a column ; now a fountain, falling. It makes no sign, it does not beckon, it does not see us. Behind it roars the sea. It is beyond our reach. Yet there I venture. There I go to replenish my emptiness, to stretch my nights and fill them fuller and fuller with dreams. And for a second even now, even here, I reach my object and say, “Wander no more. All else is trial and make-believe. Here is the end.” But these pilgrimages, these moments of departure, start always in your presence, from this table, these lights, from Percival and Susan, here and now. Always I see the grove over your heads, between your shoulders, or from a window when I have crossed the room at a party and stand looking down into the street.’



c’est assez rare qu’un paragraphe soit autant intriqué au précédent
c’est-à-dire qu’ici Rhoda poursuit la phrase de Neville

Neville _ She looks far away over our heads, beyond India.
Rhoda _ ‘Yes, between your shoulders, over your heads, to a landscape

je résiste à la tentation de placer un verbe (du style "s’étend un paysage" ou "il y a un paysage") dans cette première phrase de Rhoda, pour accentuer la liaison entre les deux paroles

gros problème avec le genre
la forme est un it
je dois "dépersonnaliser" ce it dans It makes no sign, it does not beckon, it does not see us. Behind it roars the sea. It is beyond our reach.
mais, pour ne pas laisser penser que c’est la mer qui est hors de portée, lever l’ambiguïté, je me résigne à placer "la forme" en sujet de is beyond our reach

un peu frustrée avec le mot departure, car je trouve qu’en français le mot "départ" ne rend pas l’idée de préparation au voyage, d’embarquement (je pense d’ailleurs un instant à utiliser ce mot, embarquement)

après avoir traduit ce passage, je réalise que je suis passée à côté de quelque chose
j’ai lissé, arrangé la répétition But it is not you, it is not you, it is not you avec un "Ce n’est pas toi, ni toi ou toi" et en le faisant, j’ai enlevé le martèlement, le dramatique, le rythme

je rétablis alors
"Ce n’est pas toi, ce n’est pas toi, ce n’est pas toi."
ce qui ajoute à l’impossibilité du dire chez Rhoda
à l’étrangeté en elle qui la sépare des autres
et pourtant elle a besoin d’eux, comme socles, pourvoyeurs de clarté


 ma proposition

« Oui, entre vos épaules, au-dessus de vos têtes, un paysage, dit Rhoda, un vallon où le dos pentu des collines se creuse comme des ailes d’oiseau repliées. Là, sur l’herbe rase et ferme, il y a des buissons au feuillage sombre et, devant leur noirceur je vois une forme, blanche, mais qui n’est pas de pierre, elle bouge, vivante peut-être. Ce n’est pas toi, ce n’est pas toi, ce n’est pas toi ; pas Percival, pas Susan, ni Jinny, Neville ou Louis. Quand son bras blanc se pose sur son genou, c’est un triangle ; lorsqu’il se met debout – une colonne ; et maintenant une fontaine qui coule. Ne faisant aucun signe, n’appelant pas, sans un regard vers nous. La mer gronde plus loin. Une forme inatteignable. Pourtant c’est là que je vais. Là que je peux remplir mon vide, faire s’étirer mes nuits pour les gorger et les gorger de rêves. Et l’espace d’une seconde, même ici, même maintenant, j’atteins mon but, je pense : "Plus besoin de chercher. Le reste n’est que brouillon et apparences. C’est fini." Mais ces moments de pèlerinages, ces temps de grands départs, naissent toujours lorsque vous êtes là, ils viennent de cette table, de ces lumières, de Percival et de Susan, ici, maintenant. Toujours, je vois ces buissons au-dessus de vos têtes, là entre vos épaules, ou par une fenêtre, quand je traverse la pièce au cours d’une soirée pour observer la rue en contrebas. »

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( work in progress )

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</

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