TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

JOURNAL DE TRADUCTION DES VAGUES #WOOLF

journal de bord des Vagues -112 ["Nous qui sommes des conspirateurs"]

vendredi 15 septembre 2023, par C Jeanney

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(journal de bord de ma traduction de
The Waves de V Woolf)

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dans le passage précédent Rhoda continuait la phrase de Neville
il est rare que les voix se succèdent avec une telle imbrication
il faudrait que je relise depuis le début pour en être sûre, mais je crois que c’est la seule fois où cela arrive

dans ce passage-ci, et pour la première fois, deux voix vont intervenir entre parenthèses

un aparté
qui ne concerne que Louis et Rhoda
eux seuls
et cela va se reproduire plus loin
de nouveau il y aura aparté entre Louis et Rhoda

on pourrait penser qu’ils se rapprochent tous les deux
parce qu’ils ont ce qu’on appelle "une affaire"
une liaison
c’est ce qui vient à l’esprit
mais est-ce que c’est si évident ?

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 le passage original

‘But his slippers ?’ said Neville. ‘And his voice downstairs in the hall ? And catching sight of him when he does notsee one ? One waits and he does not come. It gets later and later. He has forgotten. He is with someone else. He is aithless, his love meant nothing. Oh, then the agony — then the intolerable despair ! And then the door opens. He is here.’
‘Ripping gold, I say to him, “Come”,’ said Jinny. ‘And he comes ; he crosses the room to where I sit, with my dress like a veil billowing round me on the gilt chair. Our hands touch, our bodies burst into fire. The chair, the cup, the table — nothing remains unlit. All quivers, all kindles, all burns clear.’

(‘Look, Rhoda,’ said Louis, ‘they have become nocturnal, rapt. Their eyes are like moths’ wings moving so quickly that they do not seem to move at all.’
‘Horns and trumpets,’ said Rhoda, ‘ring out. Leaves unfold ; the stags blare in the thicket. There is a dancing and a drumming, like the dancing and the drumming of naked men with assegais.’
‘Like the dance of savages,’ said Louis, ‘round the camp-fire. They are savage ; they are ruthless. They dance in a circle, flapping bladders. The flames leap over their painted faces, over the leopard skins and the bleeding limbs which they have torn from the living body.
The flames of the festival rise high,’ said Rhoda. ‘The great procession passes, flinging green boughs and flowering branches. Their horns spill blue smoke ; their skins are dappled red and yellow in the torchlight. They throw violets. They deck the beloved with garlands and with laurel leaves, there on the ring of turf where the steep-backed hills come down. The procession passes. And while it passes, Louis, we are aware of downfalling, we forebode decay. The shadow slants. We who are conspirators, withdrawn together to lean over some cold urn, note how the purple flame flows downwards.’
‘Death is woven in with the violets,’ said Louis. ‘Death and again death.’) »


quelque chose les unit
il est question d’amour, mais est-ce que c’est l’amour qui les unit ?

ils sont spectateurs
observateurs de ce qui arrive là sous leurs yeux
ce sont les autres qui sont nocturnal, rapt, pas eux

ils assistent à
ils décrivent leur vision de l’amour
qui ne se limite ni à la flamboyance ni à la déchirure
mais est bien plus sauvage
déchainé
une cérémonie où une tribu en transe célèbre un dieu, offre des corps en sacrifice
c’est ce qu’ils voient
avec distance

secrètement
sans s’approcher, c’est trop dangereux
(et cela doit rester contenu entre deux parenthèses)
trop violent cet amour fusion mort

(et ce serait alors cette fascination
pour cette sorcellerie qu’est l’amour
qui les unit
plus que l’amour qu’ils auraient l’un pour l’autre ?)


 ma proposition

« Mais ses pantoufles ? dit Neville. Et sa voix qui monte de l’entrée ? Et l’apercevoir sans qu’il sache qu’il est regardé ? Vous attendez, il ne vient pas. Il arrive de plus en plus tard. Il a oublié. Il est avec quelqu’un d’autre. Il est infidèle, son amour ne signifiait rien. Oh, et la douleur – ce désespoir intolérable ! Et puis la porte s’ouvre. Il est là. »
« Éblouissante d’or, je lui dis : "Viens." Et il vient, dit Jinny ; il traverse la pièce et viens, là où je suis assise, ma robe se gonfle autour de moi comme un voile sur le siège doré. Nos mains se touchent, nos corps prennent feu. La chaise, la tasse, la table – tout s’allume. Tout tremble, tout se consume, tout brûle. »

(« Regarde, Rhoda, dit Louis, les voilà devenus nocturnes, captivés. Leurs yeux, comme des ailes des phalènes, bougent si vite qu’on les croit complètement immobiles. »
« Les conques et les trompettes sonnent, dit Rhoda. Les feuilles se déploient ; le cerf brame dans le taillis. On danse au son du tambour, comme dansent au son du tambour des hommes nus, armés de lances. »
« Comme une danse sauvage, dit Louis, autour d’un feu de camp. Ils sont sauvages. Ils sont impitoyables. Ils dansent en cercle, ils brandissent des outres. Les flammes lèchent leurs visages peints, leurs peaux de léopards et les membres sanglants arrachés à un corps, à vif. »
« Les flammes de la cérémonie montent très haut, dit Rhoda. La grande procession avance, lançant des rameaux verts et des branches fleuries. Leurs conques crachent une fumée bleue ; leurs peaux marbrées sous la lueur des torches se tachent de rouge, de jaune. Ils répandent des violettes. Ils couvrent l’être aimé de guirlandes et de feuilles de laurier, là, dans l’anneau d’herbes où finissent les collines. La procession avance. Tandis qu’elle passe, Louis, nous prévoyons la chute, nous pressentons la ruine. L’ombre s’incline. Nous qui sommes des conspirateurs, tous les deux à l’écart, penchés autour d’une urne froide, nous remarquons que la flamme pourpre s’écoule et qu’elle descend. »
« La mort est tissée de violettes, dit Louis. La mort, encore la mort. »)

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( work in progress )

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</

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