journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"]
vendredi 31 mai 2024, par
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(le repas que fait Bernard, face à un convive muet se poursuit : il vient de nous apprendre la mort de Rhoda au détour d’une phrase)
– le passage original
’Swinging my stick, with my hair newly cut and the nape of my neck tingling, I went past all those trays of penny toys imported from Germany that men hold out in the street by St Paul’s—St Paul’s, the brooding hen with spread wings from whose shelter run omnibuses and streams of men and women at the rush hour. I thought how Louis would mount those steps in his neat suit with his cane in his hand and his angular, rather detached gait. With his Australian accent ("My father, a banker at Brisbane") he would come, I thought, with greater respect to these old ceremonies than I do, who have heard the same lullabies for a thousand years. I am always impressed, as I enter, by the rubbed roses ; the polished brasses ; the flapping and the chanting, while one boy’s voice wails round the dome like some lost and wandering dove. The recumbency and the peace of the dead impress me—warriors at rest under their old banners. Then I scoff at the floridity and absurdity of some scrolloping tomb ; and the trumpets and the victories and the coats of arms and the certainty, so sonorously repeated, of resurrection, of eternal life. My wandering and inquisitive eye then shows me an awe-stricken child ; a shuffling pensioner ; or the obeisances of tired shop-girls burdened with heaven knows what strife in their poor thin breasts come to solace themselves in the rush hour. I stray and look and wonder, and sometimes, rather furtively, try to rise on the shaft of somebody else’s prayer into the dome, out, beyond, wherever they go. But then like the lost and wailing dove, I find myself failing, fluttering, descending and perching upon some curious gargoyle, some battered nose or absurd tombstone, with humour, with wonder, and so again watch the sightseers with their Baedekers shuffling past, while the boy’s voice soars in the dome and the organ now and then indulges in a moment of elephantine triumph. How then, I asked, would Louis roof us all in ? How would he confine us, make us one, with his red ink, with his very fine nib ? The voice petered out in the dome, wailing.
’So into the street again, swinging my stick, looking at wire trays in stationers’ shop-windows, at baskets of fruit grown in the colonies, murmuring Pillicock sat on Pillicock hill, or Hark, hark, the dogs do bark, or The World’s great age begins anew, or Come away, come away, death—mingling nonsense and poetry, floating in the stream. Something always has to be done next. Tuesday follows Monday : Wednesday, Tuesday. Each spreads the same ripple. The being grows rings, like a tree. Like a tree, leaves fall.
’For one day as I leant over a gate that led into a field, the rhythm stopped ; the rhymes and the hummings, the nonsense and the poetry. A space was cleared in my mind. I saw through the thick leaves of habit. Leaning over the gate I regretted so much litter, so much unaccomplishment and separation, for one cannot cross London to see a friend, life being so full of engagements ; nor take ship to India and see a naked man spearing fish in blue water. I said life had been imperfect, an unfinished phrase. It had been impossible for me, taking snuff as I do from any bagman met in a train, to keep coherency—that sense of the generations, of women carrying red pitchers to the Nile, of the nightingale who sings among conquests and migrations. It had been too vast an undertaking, I said, and how can I go on lifting my foot perpetually to climb the stair ? I addressed myself as one would speak to a companion with whom one is voyaging to the North Pole.
dès le début, j’ai besoin d’un visuel, je fais une recherche d’images de la cathédrale Saint-Paul, car je ne sais pas quoi faire de shelter
dans the brooding hen with spread wings from whose shelter run omnibuses and streams of men and women
évidemment ça ne m’avance pas vraiment, on ne parle pas du bâtiment ici
cette métaphore des ailes, spread wings, est une sorte de contre-point au paragraphe précédent
(For I am no mystic ; something always plucks at me—curiosity, envy, admiration, interest in hairdressers and the like bring me to the surface.)
ce sont des ailes mystiques, et Bernard s’en approche, peut-être pour vérifier que lui ne l’est pas, ou bien qu’il lui est impossible de l’être (I am no mystic), contrairement à tous, contrairement à tout, hommes, femmes et moteurs mécaniques des omnibus, toute cette agitation besogneuse de la ville qui semble tenue par quelque chose de plus grand qu’eux, un sens de la vie, une organisation qui semble étrangère à Bernard, et/ou inaccessible
je visualise quand même ces "ailes", une sorte de halo de pensées qui flottent
mais ça n’empêche pas la phrase d’être factuellement étrange, parce qu’elle allume dans le cerveau une autre architecture que celle existante, les deux ailes comme deux arches élancées, comme celles qu’on pourrait voir au-dessus de bouches de métro ou de l’entrée d’une gare routière
la preuve que c’est un problème (ces ailes et ce shelter qui viennent contredire la réalité d’une cathédrale posée comme n’importe quelle cathédrale dans la ville, massive, élancée, mais aussi ramassée sur elle-même comme un chou à la crème géant) c’est que les autres traductions essayent de composer quelque chose qui "fonctionne"
Michel Cusin : "cette poule qui couve les ailes étendues, abri d’où s’élancent des omnibus et des flots d’hommes et de femmes"
Cécile Wajbrot : "l’oiseau qui couve aux ailes étendues d’où s’élancent, à l’heure de pointe, des omnibus et des flots d’hommes, de femmes"
Marguerite Yourcenar : "la poule couveuse aux ailes étendues autour de qui s’agitent le flot des foules humaines, le va-et-vient des autobus à cette heure de la sortie des bureaux"
il n’y a que Michel Cusin pour reprendre le mot "abri" (shelter), sinon on passe directement au "s’élance", ou au "s’agite autour"
je bloque sur shelter, mais je sens bien aussi que le mot ne doit pas être accentué, qu’il fait partie d’une expression qui se veut fluide, on ne doit pas trop s’arrêter dessus (avec une virgule qui installe une coupure par exemple), il est là pour installer l’influence mystique du lieu qui sera fouillée par la suite
je suis peut-être en train de découper inutilement des pattes de mouche, mais j’en ai besoin pour être réellement là, dans le texte
et comme souvent, je trouve ma solution dans le dictionnaire des synonymes avec un mot qui fasse équivalence d’abri, ou d’abriter (je choisis le verbe accueillir), pour me décoincer
mais deuxième souci, pour la même phrase : parce que ça me gêne quand même cette "poule couveuse", (je ne trouve pas ça très heureux comme effet en français), alors je cherche la signification exacte de brooding, et voilà que je trouve thinking deepley about an unpleasant subject (penser intensément à un sujet désagréable), et même darlkly menacing : the brooding ruins of a castle (sombre et menaçant)
alors, cette poule ?
est-ce qu’elle couve ou est-ce qu’elle broie du noir ? je regarde à nouveau les photos de cette cathédrale et je finis par choisir une option mais sans être sûre
plus loin, j’ai un problème d’ordre pratique à cause d’une lettre, r ou n
j’utilise la version numérique de The Waves pour faciliter les copiés-collés du texte sur le site
et on y lit
I am always impressed, as I enter, by the rubbed roses
ce qui m’a fait traduire roses par roses (bonjour Gertrude Stein)
mais en retravaillant et retravaillant le texte, je me reporte toujours à l’exemplaire de l’Oxford World’s Classics de The Waves, et j’y vois
I am always impressed, as I enter, by the rubbed noses
roses ou noses, ce n’est pas la même chose
en vérifiant ce qu’il en est (ce qu’il en nez) dans les autres traductions, je vois que Cécile Wajbrot elle aussi a travaillé sur une version "rose", ce qui n’est pas le cas de Michel Cusin ni de Marguerite Yourcenar (qui, elle, précise en ajoutant "nez usé des statues")
je préfèrerais garder l’effet de surprise
la description d’une statue au nez de pierre un peu émoussé dans Saint-Paul n’est pas très originale, mais plutôt factuelle
alors qu’entrer et voir (et c’est même la première chose qui est vue) un nez, rien qu’un nez, poli par le temps, installe l’étonnement, et aussi la personnalité de Bernard, son parti-pris, son intérêt envers les hommes, grands ou pas, statufiés ou pas, envers leurs activités, et ça nous installe à l’avance au sense of the generations du troisième paragraphe
et puis ça correspond bien à Bernard de se focaliser sur un point
à un autre moment des Vagues, face à quelqu’un de professoral, à un discours qui se voulait édifiant, on l’a vu achopper sur un détail à l’arrière-plan (un chat qui chipe un morceau de poisson)
il n’aime pas regarder ce qu’on l’oblige à voir
c’est un peu pareil avec Saint-Paul, il n’envisage pas une statue en entrant, mais un détail, minime, le nez d’un grand homme ou d’un saint admirable que le temps et les éléments ont rendu faible, friable
(à quel point nous sommes dérisoires)
mais est-ce que je fais bien de traduire noses plutôt que roses ?
pour l’instant je me suis ralliée à la majorité numéraire (deux traductions sur trois)
je n’ai pas accès au manuscrit d’origine
par contre, avec une recherche sur le net, je peux voir combien d’occurrences de I am always impressed, as I enter, by the rubbed noses et de I am always impressed, as I enter, by the rubbed roses existent
et là c’est roses qui gagne
(il y a toujours des coquilles cachées dans les livres, ceux de l’Oxford World’s Classics ne sont pas immunisés, en tout cas c’est ce que je me résigne à penser)
et toute ma tentative d’explication, la surprise du nez (c’est un cap, c’est un pic, c’est une péninsule) tombe à l’eau
mais je la laisse ici, parce qu’elle montre bien que traduire c’est enquêter, et à tout moment s’attendre à ce que le tapis sous ses pieds soit tiré d’un coup sec
(donc retour aux fleurs)
j’ai un souci avec the flapping and the chanting, while one boy’s voice wails round the dome like some lost and wandering dove.
surtout avec le round
si je choisis "autour" pour "autour du dôme", j’installe quelque chose d’extérieur
alors que la voix suit les contours internes du dôme
et j’ai aussi un problème avec lost and wandering
je devrais traduire par "perdue et errante"
mais je n’aime pas ce mot, errante, sa sonorité en fin de phrase
je ne suis pas seule à avoir un problème avec ce mot, là où il est placé
(décidément, pour ce passage je me tourne très souvent vers les autres traductions)
Michel Cusin :"une colombe errante égarée." (il inverse les deux adjectifs)
Cécile Wajbrot : "une colombe errante, perdue." (elle inverse et installe une virgule)
Marguerite Yourcenar : "une colombe égarée." (elle enlève carrément le mot) (problème vite résolu)
ça peut sembler anecdotique, mais je n’arrive pas passer au-dessus, j’ai besoin de trouver une solution
peut-être parce qu’en anglais, cette fin de phrase, some lost and wandering dove, a quelque chose à voir avec la musique qu’on sait exister sous ce dôme, qu’on entend dans la voix du garçon, les sonorités de wandering dove ont quelque chose de très doux, et de pathétique, on imagine bien le son qui s’éloigne et résonne
alors que "errante", avec son double r et le coup sec du t ne donne pas ce sentiment
je cherche assez longtemps comment m’en sortir
mais voilà que maintenant j’ai un choix à faire avec deux mots
floridity et
scrolloping
dans Then I scoff at the floridity and absurdity of some scrolloping tomb
d’abord
scrolloping : rien dans le dictionnaire, mot inconnu
en cherchant mieux je tombe sur cette explication :
A portmanteau word created by Virginia Woolf, apparently combining ‘scroll’ and ‘lollop’ to describe heavy, florid ornament, or a rambling mode of speech, namely, ‘proceeding in involutions, rambling’. ("Un mot-valise créé par Virginia Woolf, apparemment combinant ‘scroll’ et ‘lollop’ pour décrire un ornement lourd et fleuri, ou un mode de discours décousu, à savoir, ‘procédant en circonvolutions, divaguant’."
scroll, une volute
lollop, le pas de quelqu’un de maladroit, de balourd, qui se dandine, fait des sauts gauches, oscille se dandine, sautille (comme le Ministre des démarches ridicules dans le sketch des Monty Python)
comment le traduire ?
comme d’habitude, je vais voir comment les autres ont répondu à ce problème
Michel Cusin : "un tombeau au décor tarabiscoté"
Cécile Wajbrot : "une tombe à arabesques"
Marguerite Yourcenar : "telle tombe baroque"
alors là, j’ai un vrai souci
(et je suis toute seule)
ce sont trois réponses valables à la lecture
ces trois choix ne nous font pas manquer l’action, l’histoire, les évènements, la lecture sera fluide, on va passer sur l’adjectif collé à tomb sans problème, sans rien remarquer, et c’est bien ça qui me gêne
VW a pris la peine d’inventer un mot, ça n’est pas rien
elle l’a même utilisé plusieurs fois, d’après ce que j’apprends, notamment dans Orlando, à propos d’un parchemin que quelqu’un a rédigé à sa propre gloire [1]
je suis gênée qu’on ne puisse pas être tout simplement au courant en lisant le texte en français
j’aurais pu lire les trois traductions des Vagues publiées actuellement sans même avoir l’idée que VW y inventait un mot
alors que c’est le genre de détail qui me fascine (adolescente, quand j’ai appris que Victor Hugo avait inventé des mots, des noms de lieux surtout, dans La Légende des siècles, juste parce qu’il avait besoin d’une rime, j’avais trouvé ça épatant, vigoureux, impertinent, culotté, bref génial)
et je n’ai pas envie d’être la seule (avec les autres traducteurs, traductrices, spécialistes) à savoir ce genre de détails
je ne vois pas d’autre option que d’inventer le français de ce mot inventé en anglais, pour que ce qui se passe existe à la lecture
je cherche longtemps
(je ne dis pas que mon mot-valise est pertinent, mon but est avant tout qu’il soit là pour témoigner d’un acte de VW)
ce qui me ramène au mot qui précède ce scrolloping
floridity
normalement, cela s’attache aux fleurs et je le trouve traduit par "floribondité" dans plusieurs textes qui traitent de sujets botaniques
en fait mon dictionnaire s’arrête à florid : over-elaborate (qu’on pourrait traduire par orné, ouvragé, tarabiscoté, rococo, ce qui s’adapte mieux à la tombe), mais je n’y trouve pas floridity
il y a donc la possibilité d’une autre invention de mot, cette fois-ci pas un adjectif mais un substantif (un néologisme, un peu comme la "bravitude" de Ségolène Royale)
(alors là aussi je tente quelque chose)
d’autres problématiques ensuite
les citations par exemple
Pillicock sat on Pillicock hill, or Hark, hark, the dogs do bark, or The World’s great age begins anew, or Come away, come away, death
(mais j’ai déjà expliqué précédemment comment je voyais les choses)
je résiste à l’idée de les mettre entre guillemets ou en italiques, puisqu’ici il n’y a rien qui montre que ce sont des citations, contrairement au passage précédent où elles étaient entre guillemets
j’achoppe sur the rhymes and the hummings
je ne suis pas emballée par l’effet visuel/sonore que donnent "chantonnements" ou "fredonnements" pour humming, alors je modifie un peu
il y a une grande solitude à la fin
j’aime ces paragraphes qui rendent compte de l’impossibilité
de l’échec à être "autrement"
cette sorte de quête sans résolution mais qu’il faut continuer (comment ? dit Bernard)
l’échec est dit avec une sorte de légèreté triste, peut-être moins autocentrée que ce que Bernard expose d’habitude
je suis frappée parce ce qui ressort, ce qui reste prégnant : la voix pathétique de l’enfant est là pendant tout le passage
alors que dans les faits (les mots), elle n’est indiquée qu’à deux brefs moments, comme en arrière-plan
pourtant tout ce que dit Bernard suit cette voix, épouse cette voix, comme si c’était lui qui chantait
– ma proposition
Balançant ma canne, les cheveux fraîchement coupés et des picotements dans la nuque, je suis passé devant tous ces plateaux remplis de jouets d’un sou importés d’Allemagne que des hommes vous tendent dans la rue près de St Paul – St Paul, cette poule qui couve en étendant les ailes pour accueillir des files d’omnibus et des flots d’hommes et de femmes aux heures de pointe. J’ai pensé à la façon qu’aurait Louis de monter ces marches dans son costume impeccable, avec sa canne et sa démarche anguleuse, presque détachée. Et avec son accent australien ("Mon père, banquier à Brisbane"), il viendrait, je pense, montrant plus de respect pour ces vieilles cérémonies que je peux en avoir, moi qui entends les mêmes berceuses depuis mille ans. Je suis toujours impressionné, quand j’entre, par les roses élimées ; les cuivres polis ; le flottement et le plain-chant, lorsqu’une voix de jeune garçon tourne en se lamentant sous le dôme comme une colombe perdue vole au hasard. La quiétude et la paix des morts m’impressionnent – des guerriers au repos sous leurs vieilles bannières. Puis je me moque de la flamboyancerie absurde d’une tombe tortillornementale ; et les trompettes et les victoires et les armoiries et la certitude, si bruyamment redites, de la résurrection, de la vie éternelle. Mon œil flottant et curieux me montre alors un enfant ébahi ; un retraité au pas lourd ; ou les prosternations de jeunes vendeuses, fatiguées, accablées, leurs pauvres poitrines creuses agitées par Dieu sait quelles luttes, venues ici chercher du réconfort à l’heure de pointe. Je m’éloigne, j’observe et je m’étonne, et quelques fois, le plus souvent à la dérobée, je tente de me hisser sur la prière de quelqu’un d’autre au cœur du dôme, et au-delà, peu importe où elles vont. Mais ensuite, comme la colombe perdue et qui gémit, je finis par flancher, voleter, descendre et me percher sur une gargouille bizarre, un nez usé ou tombeau absurde, avec humour, avec étonnement, et j’observe à nouveau les touristes avec leurs Baedekers traîner des pieds, tandis que la voix du garçonnet s’élève sous le dôme et que l’orgue s’offre de temps à autre le plaisir d’un moment de triomphe éléphantesque. Alors comment, je me le demande, Louis pourrait-il tous nous abriter ? Comment pourrait-il nous confiner à n’être qu’un, avec son encre rouge et sa plume très fine ? La voix s’étiole sous le dôme, avec sa plainte.
Et donc, à nouveau dans la rue, à balancer ma canne, regardant les corbeilles dans les vitrines des papetiers et les paniers de fruits qui poussent aux colonies, à murmurer Pillicock assis sur le mont Pillicock, ou Oyez, oyez chiens aboyer, ou Voici la renaissance de la grand ère du monde, ou Saisis-moi, saisis-moi, Mort – mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant. Quelque chose vient toujours ensuite. Le mardi suit le lundi : et le mercredi, le mardi. Chacun répand la même ondulation. L’être grandit en cercles, comme un arbre. Comme un arbre, les feuilles tombent.
Une fois seulement, penché un jour sur une barrière qui s’ouvrait sur un champ, le rythme s’est arrêté ; les rimes chantonnées, les non-sens et la poésie. Un espace s’est libéré dans mon esprit. J’ai pu voir à travers les feuilles épaisses de l’habitude. Penché sur la barrière, j’ai regretté qu’il y ait tant de déchets, tant de choses inaccomplies et de séparations, car on ne peut pas traverser Londres pour aller rencontrer un ami, avec une vie si saturée d’obligations ; ni prendre le bateau vers l’Inde pour voir un homme nu harponner des poissons dans l’eau bleue. J’ai pensé que la vie avait été imparfaite, une phrase inachevée. Que cela avait été impossible pour moi, qui accepte comme je le fais le tabac que propose n’importe quel commis voyageur rencontré dans un train, de conserver sa cohérence – le sens de ces générations, de ces femmes portant des cruches rouges sur le Nil, du rossignol qui chante au milieu des conquêtes, des migrations. Cette entreprise était trop vaste, me suis-je dit, et comment continuer perpétuellement à soulever le pied pour monter l’escalier ? Je m’adressais à moi comme on parle à un compagnon avec qui on voyagerait vers le pôle Nord.
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( work in progress )
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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)</
[1] ’For when he tore the parchment across, he tore, in one rending, the scrolloping, emblazoned scroll which he had made out in his own favour in the solitude of his room appointing himself, as the King appoints Ambassadors, the first poet of his race, the first writer of his age’
Messages
1. journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"], 31 mai, 11:12, par brigitte celerier
petite vieille en restera à vous admirer toutes les deux, Virginia et to,i à savourer ce que tu nous offres de ta recherche (et à sourire au choux à la crème qui correspond si bien à mon souvenir - ceci dit magestueux et beau volume intérieur)
2. journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"], 31 mai, 23:27, par Marcelline Roux
Oui, ce n’est pas rien d’inventer un mot et ce n’est pas rien d’inventer une nouvelle traduction. J’aime décidément ce chemin qui invente sa trace. Ce journal apprend à lire et relire, à inventer aussi nos lectures.
3. journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"], 1er juin, 11:53, par cjeanney
Merci à vous deux de votre bienveillance :)))
(quand j’ai eu fini de traduire ce passage, j’ai pensé que ma traduction n’était peut-être pas époustouflante mais qu’au moins elle était honnête) (pas souvent que je suis fière de moi, là oui)
4. journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"], 4 juin, 13:09, par sonneur
Encore merci Christine Jeanney pour ce "découpage [utile] de pattes de mouches".
On est toujours là pour vous suivre.
1. journal de bord des Vagues -184 ["mêlant non-sens et poésie, flottant dans le courant"], 5 juin, 12:54, par C Jeanney
Merci ! (chaud au cœur d’être suivie dans cette traduction, vraiment)