TENTATIVES

« la vie ça éparpille des fois / ça chélidoine et copeaux / ça bleuit ça noisette » [Maryse Hache / porte mangée 32]

BLOCK NOTE

block note - boulot

vendredi 12 septembre 2025, par c jeanney

D’un côté j’ai envie d’écrits documentaires, mais il y a beaucoup d’autres côtés en face de ce côté, c’est par facilité ma tendance au binaire ("d’un côté... de l’autre côté..."). Parce que le documentaire élimine la fiction, ce qui est un défaut, sachant que la fiction documente elle aussi, nos fictions documentent le réel. Nos fictions sont vraies, elles provoquent des effets. J’aurais envie de lire un texte qui brasse tout, documentaires et fictions. Pas un ’docufiction’, c’est-à-dire une fiction basée sur du documentaire, mais un texte qui les amasse, les brasse avec la même intensité, qui interroge les lignes de force, les liens, j’aimerais lire un texte élastique. Qui ne rabatte pas fiction et document au même niveau, mais qui monte fiction et document aux mêmes niveaux. Je ne sais pas ce que je veux. Il n’y a que le travail pour y répondre. Si je suis fatiguée, quand je suis fatiguée, car je suis fatiguée, je n’avance pas. Alors je tente de parer au plus pressé, continuer une reliure, préparer l’airnews et ma prochaine minute papillon, mais je sens bien que c’est comme si je ne regardais que le pare-brise, et pas la route derrière. L’empathie n’est pas à la mode en ce moment, et si je commençais à écrire le texte élastique que je veux lire, il faudrait que je mette beaucoup d’énergie à ne pas fabriquer un objet triste. Je crois que ce texte élastique, je l’ai déjà commencé, il s’appelle NT. Je crois qu’il est triste et que c’est à cause de ça que je me retrouve devant lui bras ballants, épuisée à l’avance. C’est le problème, si je cherche à faire un texte miroir, que le miroir ne renvoie que des coulées brunes. C’est pour ça que je rêve d’un futur imaginaire apaisé, élaboré, gratifiant pour n’importe quelle cellule vivante. Mais quoi faire des vivants qui n’aiment que ce qui peut être brisé. Même ce block note est obscurci, alors qu’il faudrait des couleurs, même pas par souci de contrebalancer ou pour une illusoire sensation de mener une bataille, mais parce qu’elles existent aussi, les couleurs. Je regarde mal. Mon pare-brise est sali, et je le prends pour la réalité, je ne vois pas entre les coulures les fragments doux. Le bilan n’est pas celui que je pense, ni aussi négatif ni aussi vaillant et combatif que je le voudrais. Les frontières sont un réel problème. Elles favorisent le silo, alors que je voudrais la multiplication par stolons, comme les fraisiers, ou comme cette plante dont je ne sais pas le nom et qui voyage d’un pot à l’autre en lançant ses tiges, une saxifrage je crois. Le mot "saxifrage" est plus joli que le mot "fraisier". Je ne ne veux pas chercher à faire joli. Fraisier est bon, il est simple, accessible, il fait le job.

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(site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)

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